22 octobre 2007

 

Apprendre pour comprendre ; comprendre pour apprendre

On a trop souvent opposé , à tort, mémorisation et compréhension , alors que ces deux processus d'efforts sont en réalité complémentaires et même quasi indissociables .
Voici deux extraits d'articles sur ce sujet:

Le premier , en anglais est de Ralph A. Raimi du département mathematique de l' Université de Rochester . L'article complet est ici


"In mathematics as in almost every other endeavor, memory is indispensable.

En mathématiques comme dans presque toutes les autres diciplines , la mémoire est indispensable.

We begin by learning our native language, and certainly we have memorized thousands of words as well as some of the rules for putting them together into thoughts by the time we are five years old.

Nous commençons par l'apprentissage de notre langue maternelle, et nous avons certainement des milliers de mots mémorisés ainsi que certaines règles pour formuler nos pensées dés l’âge de cinq ans.

Does having "memorized" all those words, and those rules, mean we do not understand them?

Est-ce que avoir "mémorisé" tous ces mots, et ces règles, signifie que nous ne comprenons pas? ….

There is no conflict between memory and understanding.

Il n'y a pas d’opposition entre la mémoire et la compréhension.

Memory and understanding are more than not in opposition, they are necessary to each other.

La mémoire et la compréhension non seulement ne s’opposent pas , mais sont nécessaires l’une à l’autre.

It is plainly impossible to understand something you cannot even bring to mind.

Il est manifestement impossible de comprendre quelque chose que vous ne pouvez pas enregistrer dans votre mémoire

In the other direction, while it is possible to memorize some things without understanding, a Latvian poem, perhaps, for someone who has no knowledge of the Latvian language, it is extremely difficult to do.

Inversement, même s’il est possible de mémoriser certaines choses sans comprendre, un poème letton, peut-être, pour quelqu'un qui n'a aucune connaissance de la langue lettone, c’est extrêmement difficile à faire.

No sensible teacher of mathematics will ask such memorization, unless the thing to be remembered is some- how linked to the rest of our lives, and to other things already in our memories, in which case understanding often follows.

Aucun professeur de mathématiques demandera une telle mémorisation, sauf si la chose à mémoriser est liée à d'autres choses déjà dans les mémoires ; dans ce cas, la compréhension suit souvent."


Le second est extrait de Bonnet d'âne, le blog de Jean-Paul Brighelli
L'article complet est ici


"La mémoire a mauvaise presse, le « par cœur » est dénigré. Ce qu’il y a de mécanique dans ces apprentissages semble insupportable à ceux qui placent, comme on dit, « l’élève au centre du système » éducatif.
Que mémoire et sens soient concomitants ne paraît pas les effleurer.
Comment l’enfant apprend-il à parler ? En répétant — en apprenant par cœur, et en répétant. Répéter quoi ? Les mots de ses parents d’abord ¬— et nous savons tous qu’il faut éviter les infantilismes et qu’il vaut mieux, dès les premières secondes de la vie, donner au bébé un vocabulaire varié articulé selon une grammaire précise qui forgera les connexions syntaxiques et neuronales…— bref, du sens. Et vers trois ou quatre ans, c’est l’école qui prendra le relais — c’est l’école qui doit continuer d’enfoncer le clou linguistique et culturel. El le maître y parviendra non en nivelant par le bas, en réduisant son vocabulaire, en ne donnant aux élèves que la maigre pitance de livres écrits « pour les jeunes » au présent de narration avec deux cents mots de vocabulaire, mais en les confrontant à ce que la langue a fait de mieux, à ce que la science a imaginé de plus rigoureux. Un mot nouveau, dans un texte, c’est un diamant en gangue.
- Oui, mais quand la langue des parents défaille, ou quand elle est autre… » C’est là qu’intervient la finalité la plus noble du « par cœur » scolaire. « Sans mentir, si votre ramage… » Qui connaîtrait encore ce mot de « ramage » si on n’avait pas appris « le Corbeau et le Renard » — fable essentielle pour assimiler à jamais ce que c’est que la communication ? Les structures linguistiques de ce que nous apprenons s’ancrent et s’encrent en nous par couches successives, au gré d’un feuilletage que j’évoquerai quelque jour, et qui constitue la matrice de ce que nous disons, de ce que nous rédigeons. En parlant, en écrivant, nous lisons le palimpseste sans même nous en apercevoir, et des structures complexes, une rhétorique accomplie, un vocabulaire précis montent à nos lèvres ou nous coulent des doigts. Regardez les comédiens — les grands, ceux qui ont beaucoup donné, particulièrement au théâtre ; dans la conversation de Jouvet, de Noiret, de Bouquet (Michel !) ou de Huppert (Isabelle…), on entend en transparence floue la langue de Giraudoux, de Molière, d’Ibsen ou de Virginia Woolf.
Dès lors, refuser le « par cœur » à des enfants, à des adolescents, pour ne pas prendre le risque de les faire trop travailler, c’est les couper de toute chance d’apprivoiser la langue — et les autres. Le « par cœur » peut seul égaliser les hasards de la naissance. Sans parler du bonheur qu’éprouve un gosse, souvent, à débiter, chez lui, sa récitation du jour, et à la restituer en classe, quitte à rougir ou à transpirer d’angoisse.....
Alors La Fontaine, bien sûr, Hugo, évidemment, Baudelaire ou Rimbaud, ça va de soi.

Mais aussi les tables de multiplication : le « par cœur » fournit des réflexes qu’aucune calculatrice ne remplacera jamais. À noter que les crétins prétendument ivres de sens, qui fustigent les exercices de mémoire, préconisent des machines dont l’usage interdit toute opération de l’esprit… À moins qu’ils ne supposent que pour calculer 3 x 7, l’enfant doive se représenter, à chaque fois, un rectangle de 3 par 7, et compter les petites cases. Quand ils en seront à des multiplications à dix chiffres, ça risque de prendre du temps, de construire son propre savoir. "

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