20 avril 2009

 

Que veut-on enseigner, pourquoi et pour qui ?

Par Jean-Pierre Demailly
Académie des Sciences ; Professeur à l’Université de Grenoble I (Institut Fourier)

"Les mathématiques sont aujourd’hui utilisées de manière quasi-universelle dans la conception et la production des objets de la technologie moderne. Que ce soit de manière directe par des modélisations numériques ou de manière indirecte par leur intervention comme outil et comme langage dans les autres sciences de la nature, les mathématiques sont partout, souvent à l’insu des usagers et des citoyens. Quoique plusieurs fois millénaire, la science mathématique connaît encore aujourd’hui des avancées et des utilisations nouvelles spectaculaires, sans que le rythme des découvertes ne paraisse faiblir. Pour ne citer que deux exemples parmi beaucoup d’autres, c’est en 2003 que le mathématicien russe G. Perelman est finalement parvenu à résoudre la conjecture de Poincaré caractérisant la sphère de dimension 3, en utilisant de manière essentielle les équations de la relativité généralisée d’Einstein. Ces résultats d’une grande beauté conceptuelle, qui couronnent un siècle d’efforts dans plusieurs branches des mathématiques, sont riches de conséquences pour de nombreux domaines de la science, depuis la topologie différentielle jusqu’à la physique mathématique, en passant par la théorie des équations aux dérivées partielles. Dans un domaine plus proche des applications, nous avons eu l’occasion d’entendre il y a quelques jours à l’Académie des sciences un magnifique exposé de Claude Berrou, expliquant comment les turbo-codes - une classe de codes correcteurs d’erreur - intervenaient de manière essentielle pour assurer une transmission fiable des messages en téléphonie mobile, démontrant ainsi l’impact direct sur la vie quotidienne de certaines structures mathématiques impliquées dans la théorie de l’information.

Il n’y a donc aucun doute que les mathématiques devront être encore être enseignées pour longtemps, à tous les niveaux de la connaissance, bien entendu sous des formes adaptées aux publics à qui elles sont destinées. Cependant, et peut-être davantage encore que dans les autres sciences, les avancées récentes ne peuvent en général être enseignées qu’au niveau de la recherche, et n’ont donc pas vocation à être introduites en tant que telles dans les cursus scolaires. Les connaissances mathématiques se contruisent en effet les unes à partir des autres de manière pyramidale : il est par exemple impossible d’aborder l’étude des fonctions si on ne connaît pas déjà la numération et les opérations arithmétiques ; de même, l’étude du calcul vectoriel ne peut être entrepris si on n’a pas déjà quelques notions d’algèbre et de géométrie.
Cela paraîtra peut-être paradoxal au profane, mais l’essentiel des connaissances enseignables au collège était déjà connu des Grecs et en tout cas de Descartes au XVIIe siècle, et on pourrait fort bien construire des contenus d’enseignement très riches pour le lycée en se contentant des mathématiques d’Euler de la fin du XVIIIe siècle."

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