20 avril 2008
Les tourments d’un mathématicien amoureux: Extrait
..Tu as vingt-cinq ans, ma fille...
— Je sais bien, papa !
— ... et il est hors de question que tu épouses un garçon qui n’a pas de métier !
— Mais, papa, il est chercheur, mathématicien, c’est un scientifique ! C’est un métier, ça ! D’ailleurs il cotise à la sécu...
— Ça ne veut rien dire. Mathématicien, ce n’est pas un métier, pas un vrai...
Arc-bouté, enraciné dans ses certitudes, Stanislas Million aurait pu repousser les assauts de tous les rhéteurs des mondes antique et moderne réunis. La colère sourdait des prunelles amandines de Valérie.
— C’est quoi alors, M. Je-sais-tout ?
— C’est... c’est... un adjectif, voilà !
Voir traiter son Lucien d’adjectif, c’était plus que la jeune fille ne pouvait supporter. Et dire qu’il avait brillamment soutenu sa thèse de théorie des nombres quelques mois auparavant... Il fallait frapper vite et fort, étourdir l’adversaire avant de porter l’estocade. Tant pis pour les âmes sensibles.
— Papa, j’attends un enfant.
Elle vit immédiatement qu’elle avait pris l’avantage : tel un taureau estourbi par le picador, il fit deux pas de côté, lui laissant enfin la possibilité de s’asseoir au volant.
— Hein ? Un enfant ? Mais, tu n’es..
Stan était blême. Les joues, roses quelques instants auparavant, avaient viré au nacré façon saturnisme chronique. Quelques gouttes de sueur glacée perlaient sur le front et la moustache.
— Papa, tu l’as dit toi-même, j’ai vingt-cinq ans...
— Mais... mais... il n’a pas de métier... Ça ne sert à rien, les mathématiques... Si encore il était prof, comme toi, mais chercheur, chercheur en maths, ça n’a aucun sens... Et puis, d’ailleurs, il cherche quoi ? Qu’y a-t-il donc encore à chercher ?
....
— Je sais bien, papa !
— ... et il est hors de question que tu épouses un garçon qui n’a pas de métier !
— Mais, papa, il est chercheur, mathématicien, c’est un scientifique ! C’est un métier, ça ! D’ailleurs il cotise à la sécu...
— Ça ne veut rien dire. Mathématicien, ce n’est pas un métier, pas un vrai...
Arc-bouté, enraciné dans ses certitudes, Stanislas Million aurait pu repousser les assauts de tous les rhéteurs des mondes antique et moderne réunis. La colère sourdait des prunelles amandines de Valérie.
— C’est quoi alors, M. Je-sais-tout ?
— C’est... c’est... un adjectif, voilà !
Voir traiter son Lucien d’adjectif, c’était plus que la jeune fille ne pouvait supporter. Et dire qu’il avait brillamment soutenu sa thèse de théorie des nombres quelques mois auparavant... Il fallait frapper vite et fort, étourdir l’adversaire avant de porter l’estocade. Tant pis pour les âmes sensibles.
— Papa, j’attends un enfant.
Elle vit immédiatement qu’elle avait pris l’avantage : tel un taureau estourbi par le picador, il fit deux pas de côté, lui laissant enfin la possibilité de s’asseoir au volant.
— Hein ? Un enfant ? Mais, tu n’es..
Stan était blême. Les joues, roses quelques instants auparavant, avaient viré au nacré façon saturnisme chronique. Quelques gouttes de sueur glacée perlaient sur le front et la moustache.
— Papa, tu l’as dit toi-même, j’ai vingt-cinq ans...
— Mais... mais... il n’a pas de métier... Ça ne sert à rien, les mathématiques... Si encore il était prof, comme toi, mais chercheur, chercheur en maths, ça n’a aucun sens... Et puis, d’ailleurs, il cherche quoi ? Qu’y a-t-il donc encore à chercher ?
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Ce texte a été publié une première fois en octobre 2003 dans le numéro hors série de la Revue de l'Institut Élie Cartan 1903 - 2003 Un siècle de mathématiques à Nancy.
Source:
http://interstices.info/epreuve-million
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