27 mai 2008
A contre courant .
"Quelque part au cours des années 70 a sans doute germé l'idée qu'un peuple amnésique ne se révolterait plus. Il faut pas mal de calories pour réussir une révolution. Il faut du savoir pour oser une protestation.
Eh bien, on y est. L'école a formé un troupeau aveugle. La vraie violence, elle est là. Le moyen de cet aveuglement fut particulièrement pervers ; on a instillé dans les crânes encore mous des gosses la certitude que ce qu'ils pensent vaut bien ce qu'on leur enseigne. «C'est votre opinion, ce n'est pas la mienne» voilà ce que l'on entend dans les salles de classe,dès que l'on tente d'ouvrir les yeux des élèves sur les réalités d'hier et d'aujourd'hui. La leur, ils se la sont constituée à grand renfort d'émissions de télévision, de rumeurs et de on-dit. Une opinion molle, une pensée loukoum. Penser, peser, débattre, cela suppose un travail, une connaissance, une volonté. Toutes valeurs battues en brèche par le prêt-à-penser qui tient aujourd'hui lieu de culture.[...]
...Que de jeunes ignorants prônent le réflexe identitaire, c'est de leur âge. Mais qu'on leur fasse croire que leur avis est respectable, là commence l'infamie. Légitimer d'une manière ou d'une autre l'instinct tribal, au détriment d'une culture universelle, ne peut qu'aggraver les délires des minorités les plus agissantes. On suggère aux jeunes de s'identifier à un groupe uniformisé, tout en leur faisant croire que leur uniforme les individualise. La foi est un conformisme. L'être se noie dans le gang ou la secte. La culture, justement parce qu'elle n'a jamais prétendu fournir autre chose que des points de repère, des lieux communs au plus pur sens du terme, est, au fond, une incitation permanente à l'anticonformisme.
La dernière génération d'élèves formatés par la culture classique produisit, après Mai 68, un dynamitage général des convenances. C'est dire assez les pouvoirs critiques d'un enseignement qui paraissait assené, et qui fournissait pourtant les armes de sa propre contestation. Grande fut sans doute la terreur, pour que dans les dix ou quinze ans qui suivirent, le pouvoir ait concocté tant de nouveaux« projets éducatifs , afin de ruiner toute chance d'insurrection"
Jean-Paul Brighelli,
La fabrique du crétin. La mort programmée de l'école Folio 2005 pp 124 et 159 (extraits)
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